Dernier tour lancé, Antonin Varenne

La double Chronique sur Collectif Polar

Ce matin c’est Dany qui nous offrait sa chronique jubilatoire sur le dernier Antonin Varenne.

Ce soir c’est notre porte flingue qui nous dit ce qu’elle en pense.  Nos deux flingueuses vont-elles être d’accord ? Rien n’est moins sûr


Le livre : Dernier tour lancé de Antonin Varenne –  Paru le 04 mars 2021 chez La Manufacture de Livres – collection Littérature. 21.90 € ( 408 pages) ; 14 x 20 cm

4ème de couverture :

Julien Perrault a tout perdu en percutant deux de ses concurrents sur le circuit du Mans. Lui qui avait été le prodige du Grand Prix Moto est devenu le paria, « l’assassin ». Mais un sponsor sulfureux propose au jeune homme de revenir sur le devant de la scène. Courir de nouveau. Seulement, son retour sur les circuits, Julien ne l’envisage plus seul. À ses côtés, dans l’équipe qui le préparera à la course, il comptera sur la psychiatre qui le suit depuis son accident, son père qui a construit ses premières motos et ce peintre un peu fou devenu son ami. Trois soutiens des plus atypiques au cœur du grand cirque qui se prépare.

Dans ce nouveau roman plein de fureur, Antonin Varenne dresse le portrait d’un homme prêt à payer n’importe quel prix pour aller au bout de sa passion, être fidèle à lui-même, égoïstement et sans limite.

L’auteur : Né à Paris en 1973, Antonin Varenne est diplômé de philosophie. Il a parcouru le monde avant de revenir en France pour se consacrer à l’écriture. Il  a publié une bonne dizaine de romans dont Fakirs (2009) – Prix Michel-Lebrun, Prix Sang d’encre 2009, Prix du meilleur polar de Points 2010 – et Le Mur, le Kabyle et le Marin, (2011) – Prix Quais du Polar 2011, Prix Amila-Meckert 2011. Battues  a obtenu le Prix de la ville de Mauve-sur-Loire, ainsi que le Prix Sable Noir en 2016. L’Artiste a été couronne par le Prix Rive Gauche a Paris 2019. Antonin Varenne vit en Creuse
Extrait : 
« Les plafonds étaient éclairés par des ampoules de mille watts. Les murs étaient blanchis à la chaux et à la javel. Le couloir était si grand qu’il se sentait réduit à la taille d’une souris, sortie dans la lumière par le trou d’une plinthe.
Au milieu du no man’s land hyper blanc, régnait le blockhaus de verre et d’acier des gardiens de nuit, citadelle Vauban inexpugnable, tout en angles d’attaque et mortellement transparent.
Mais les héros et les toxicomanes ne renoncent jamais.
Deux options se présentaient pour déjouer la surveillance. Ramper sur le carrelage en attendant le bon moment, ou sortir par la fenêtre du couloir B, courir sur l’herbe entre les massifs et remonter par la gouttière jusqu’à la fenêtre.
Deux options de guerre indienne, qui portaient en elles les germes de l’humiliation et de la défaite. Mais il avait l’intelligence requise pour cette mathématique du choix.
Parti de sa chambre entre vingt-trois heures et minuit, un schizophrène paranoïaque rampe devant le box des infirmiers, il atteint une fois la chambre du premier étage, deux fois est pris sur le fait et enfermé trois jours, sanglé à un lit.
Parti de sa chambre entre vingt-trois heures et minuit, choisissant de passer par la fenêtre du couloir B et le jardin, le même schizophrène atteint une fois la chambre du premier, une seule fois est surpris par le personnel médical, en train de se laver sous un robinet du système d’arrosage.
Une vérité statistique éclatante : nul gardien n’échappe à la surveillance qu’il exerce.
Il tourna à quatre pattes dans le couloir B.
Les voix des infirmiers s’atténuaient à mesure que s’éloignait le poète.
Le mépris qu’ils avaient ici pour sa race !
Il lécha deux fois, de la pointe de la langue, les joints des quatre côtés d’un carreau de carrelage blanc, se gargarisa de salive et de produit de nettoyage antibactérien, puis, immunisé, il ouvrit la fenêtre et sauta dans la bouche de noir. »

Le post-it de Ge

Dernier tour lancé, Antonin Varenne

Quand j’ai lu le sujet du dernier roman d’Antonin Varenne j’avoue j’ai eu un moment d’hésitation

Je ne sais pas vous mais perso je n’aime pas le monde des sports mécaniques. D’abord il y a le bruit, le bruit infernal que font les moteurs vrombissants, moi qui aime le silence ou les bruits de la nature. Et au-delà de la pollution sonore il y a aussi la pollution tout court.

Et puis il y a tellement de fric dépenser dans ce sport. Oui je sais les afficionados auront d’autres arguments pour justifier tout cela. Mais perso, moi je n’y vois que du gâchis.

Il y a aussi cette débauche d’énergie. D’ailleurs en parlant d’énergie le livre d’Antonin Varenne n’en manque pas.

En effet notre auteur nous propose là un livre sur la passion dévorante d’un jeune homme qui est prêt à tout sacrifier pour vivre sa passion et vivre de sa passion. Et cette passion c’est la moto et les courses.

Julien Perrault, prodige du Grand prix de moto, a tout perdu en percutant deux de ses concurrents. Malgré l’accident, il fait tout pour revenir sur le devant de la scène. Il est entouré de sa psychiatre, de son père qui a construit ses premières motos et d’un peintre un peu fou devenu son ami.

Il y a là Julien est son père Alain, un duo, un couple soudé par la mort et l’absence de la mère de famille. Il y a là aussi pour former notre quatuor, Emmanuelle Terracher, la psy mais aussi François Buczek l’artiste maudit complétement accro à toutes les dopes. Ces deux là Julien les a rencontrés à la clinique des Chênes, un hôpital psychiatrique où il s’est reconstruit après son accident. Et ces quatre là forment une drôle de bande, totalement déglinguée. La bande des quatre est sans doute mal assorti mais elle est là pour faire vivre la passion, la folie de notre pilote moto et rien que pour cela. La passion d’un seul homme.

Aussi avec Antonin Varenne en va vivre de l’intérieur la vie des écuries de courses, on va participer à la préparation des machines, des équipes, des épiquement et autres équipementiers. Des sponsors, des mécaniciens, des patrons d’écurie, de média…des pilotes, et de l’argent qui circule lui aussi à grande vitesse dans ce monde du sport mécanique. De cette adrénaline et de cette dopamine qui coulent elles aussi à flot.

Antonin Varenne ne nous cache rien, on va être au première loge, tels des VIP, dans les paddock. Ça sent la sueur, le cambouis, le fric aussi. Ça sent l’éloge de la vitesse, du toujours plus vite, toujours plus fort à l’instar de notre société sur-consommatrice où il faut constamment être le meilleur, le plus fort. Quand la compétition est la règle. Et que métier et passion ou l’inverse doivent cohabiter ou pire se confondre. Quand l’homme se confond avec la machine pour lever les bras en fin de course quitte à y laisser la vie.

Le roman d’Antonin Varenne sent le bruit et la fureur. Il est bruit et fureur. Et si le sujet de départ me poser problème, l’écriture d’Antonin Varenne elle m’a totalement emportée. Et j’avoue j’aime le noir même désenchanté quand il est écrit par cet auteur au vaste talent. Car derrière cette course infernale et obsessionnelle il y a là aussi une allégorie à la création artistique et littéraire. Quand la passion d’écrire est plus forte que tout. Alors…Monsieur Varenne, je peux vous demander une chose ? Dites, vous allez continuer à nous servir de tel texte, hein ?

Autres extraits
« Le bébé a souffert.
Annie l’avait couvé. Elle lui disait : Tu as souffert à ta naissance. Tu ne feras pas de sport. Tu es fragile.
Les vingt-cinq ans de Julien ce jour.
La moitié d’Alain. Jeune au travail, marié tôt, seul depuis longtemps. Alain Perrault. À l’école primaire, on disait lent.
Julien si rapide.
Il a le goût de la vitesse, disait Marc de Speed 34, ébouriffant la tignasse d’un gamin de sept ans qui ne voulait plus que son père lui coupe les cheveux.
Alain ne comprenait pas cette expression. Le goût de la vitesse. Il pensait que la vitesse avait une odeur, pas non plus un son, mais un parfum. La vitesse était dans le nez. Julien avait un odorat extraordinaire. »
« Sur la seconde page des trois exemplaires, à côté de la signature déjà tracée du docteur Terracher, il signa en s’appliquant. Consultant l’écran de sa montre digitale, il recopia la date.
– Je désapprouve la sortie de votre fils, monsieur Perrault. Il est encore instable. Mais son diagnostic ne l’oblige pas à rester. Puisque c’est son choix, nous ne pouvons rien y faire. Ces formulaires dégagent notre établissement de toute responsabilité. Vous le comprenez bien ?
– Responsabilité de quoi ?
– De tout ce qu’il fera dehors. Vous vivez seul et vous travaillez, c’est ce que dit mon dossier, auquel il manque toujours la copie de votre livret de famille, dit-elle en lissant des doigts un post-it collé sur la chemise. Je vous conseille de prendre des congés si vous voulez vous occuper correctement de votre fils, monsieur Perrault.
Elle était agacée de devoir expliquer son travail à des gens comme lui qui n’y connaissaient rien. Lui, au garage, il essayait toujours d’expliquer les pannes aux clients. Il se demandait ce qu’il y avait d’autre, à son sujet, dans le dossier du docteur Terracher. S’il était écrit qu’il était un bon mécanicien, qu’il vivait seul depuis la disparition d’Annie, que l’unique femme qu’il avait connue depuis avait été chassée de sa vie par un adolescent en colère. »

 

9 réflexions sur “Dernier tour lancé, Antonin Varenne

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